SYD MATTERS : Brotherocean
Editeur : Because Music
Référence : 5 060 107 727045
Le parcours suivi depuis 2002 par le songwriter Jonathan Morali et son groupe Syd Matters tisse la trame d’une histoire qui mérite d’être classée dans la catégorie « aventure ». Attention : on ne parle pas de l’aventure hollywoodienne, avec son lourd parfum d’héroïsme et ses rebondissements en cascade. Non, on parle de ce qui fonde la grande et fragile aventure d’une vie d’homme. Comme dans chacun de ses disques, le quintette parisien prolonge en l’affinant la perspective qu’il s’était ouverte par le passé, élargit en l’éclaircissant le paysage sonore qu’il avait foulé dans ses productions antérieures. Pas de volte-face esthétique bruyamment orchestrée, pas de fausses révolutions de palais. Rien que le souci de suivre le fil d’une inspiration de plus en plus déliée, et de découvrir les nouvelles pistes que son patient déroulement ne manque pas de dévoiler.
Ecoutez le doux entêtement avec lequel Wolfmother ou River Sister creusent leur obsédante mélodie, jusqu’à en atteindre le coeur poétique. Comment Hi Life ou Lost, par la grâce d’arrangements uniquement soucieux de musicalité, adoptent les atours d’un classique instantané sans renoncer à leur part de singularité. Comment Halalcsillag, à la faveur d’un simple basculement harmonique et d’un jaillissement de choeurs, affole la boussole interne de l’auditeur et le projette en pays inconnu. Comment We Are Invisible, A Robbery ou Hadrian’s Wall, dans leurs si peu banales et pourtant si limpides divagations, réalisent l’idéal d’un songwriting qui se soustrait à la tentation
de la routine, sans jouer la comédie tapageuse de la transgression ou de la bizarrerie à tout crin. Un songwriting qui, comme dans les textes de Jonathan Morali, glisse du familier à l’inconnu comme on passe naturellement de la réalité au rêve. Tout l’artisanat de Syd Matters est condensé là, dans ces miracles à hauteur d’homme accomplis sans effort apparent, dans cette originalité non feinte mais dégagée de toute obligation d’esbroufe, dans cette parole affranchie que renforce une saine indifférence à la logique des genres comme aux gimmicks de la mode.
Pendant le printemps 2010, Syd Matters, en formation acoustique, suivait les chemins buissonniers d’une tournée intitulée « Balades sonores », qui l’aura entraîné hors des lieux de scène traditionnels – sur des péniches, dans des chapelles, dans des cours de ferme… Cette soif de simplicité et ce refus de tout carcan, qui trahissent une réelle exigence à l’endroit de l’activité de musicien, Brotherocean les prolonge aujourd’hui de la plus éloquente des façons.
Les cinq voyageurs de Syd Matters ont décidé qu’ils ne s’encombreraient plus de bagage inutile. Leur album leur donne évidemment raison : la fluidité du verbe, la beauté du geste et l’imagination du toucher sont des viatiques suffisants pour qui entend vivre librement et harmonieusement en musique.
J’ai été très surpris par la grande musicalité de l’ensemble, et aussi par la recherche des textes. Ce groupe me plaît beaucoup, mais certains n’arrivent pas à y adhérer…
Le mieux serait de les écouter, non ?